Pour une meilleure réponse aux attentes, le local doit avoir la possibilité de déterminer lui-même les compétences qu’il estime pouvoir prendre en charge
Par
Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique
Mai 2006
En tant que mode de redistribution des pouvoirs, la décentralisation consacre le principe de libre administration des collectivités de base et leur attribue des compétences précises. Le transfert est décidé et organisé par l’Etat qui a la compétence de sa compétence, selon la formule consacrée. Toutefois, cette façon de procéder pose problème dans la mesure où elle n’offre aucune garantie de prise en charge optimale des compétences que l’Etat transfère au local : rien ne dit que le local peut ou veut gérer les missions qui lui sont ainsi fixées par l’Etat. Or, ce simple doute rend compte du risque de compromettre l’efficacité des réponses apportées aux attentes des acteurs et des citoyens. Dès lors, les modalités de répartition des compétences entre le local et le national doivent être revues dans un sens qui permet au local de dire ce qu’il est capable de gérer, et par déduction, ce qu’il revient à l’Etat de prendre en charge.
La valorisation du local par la décentralisation se traduit principalement par la consécration d’un certain nombre de compétences qui doivent être mises en œuvre à cette échelle de gouvernance. C’est en fait l’Etat qui détermine l’ensemble des missions dont il se dessaisit au profit du local. L’Etat est alors juge et parti. Pour s’en défendre, il justifie d’abord sa démarche par le principe de subsidiarité, qui consiste à dire que le partage de compétences est commandé par le souci de confier à chaque niveau les compétences qu’il est capable d’assumer au mieux. Ensuite, il prétend créer de l’équité en énonçant un principe illusoire : le transfert concomitant des ressources nécessaires à l’exercice des compétences transférées. Enfin, l’Etat fait de la proximité l’indicateur des compétences transférées alors même qu’il garde le pouvoir de définir des politiques sectorielles dans les domaines qu’il a transférés.
L’expérience montre que dans la plupart des systèmes africains décentralisés, les acteurs locaux soutiennent que l’Etat ne leur a pas transféré des compétences mais plutôt des difficultés. L’Etat est fortement soupçonné de profiter de la décentralisation pour se décharger sur le local en lui donnant les missions sensibles pour lesquelles il a beaucoup de mal. En définitive, l’exercice des compétences reconnues au local est caractérisé par soit par un délaissement pur et simple, soit, dans le meilleur des cas, par des difficultés persistantes.
Or, dans un système décentralisé, l’exercice des compétences transférées de l’Etat aux collectivités de base n’est pas facultatif ; c’est une obligation à la fois légale et politique qui pèse sur le local. Il est évident que toute compétence reconnue à une échelle de gouvernance est essentielle à l’organisation et à la vie sociales. Dès lors, il devient inquiétant que des pans entiers de mission vitale soient ainsi délaissés, d’un délaissement que l’on tendrait à banaliser pour son caractère général et permanent.
Cet état de fait est révélateur d’un malaise profond qui trouve sa source dans les seules modalités de répartition des compétences qu’il urge de revoir. Dans ce sens, le local doit avoir le droit et la possibilité de prononcer sur les missions qu’il peut et qu’il doit prendre en charge. De sorte que, de façon consensuelle, il puisse dans un dialogue avec l’Etat, déterminer de façon objective et rationnelle les compétences de chacun ainsi que les articulations entre elles.
L’efficacité de l’action publique locale reste fortement liée à la libre détermination par le local de sa propre sphère de compétences et de la définition par défaut de celle qui revient alors à l’Etat.