Par KONE, Sayon (2003)
Citée comme une référence en Afrique, la démocratie malienne vit des moments assez tourmentés depuis les dernières élections présidentielles. Comme le dit un adage " elle a du plomb dans l’aile ".
En effet, la courte expérience démocratique du Mali est riche d’acquis et de reculs qui en caractérisent l’évolution. Ainsi, en dix années, le vécu politique du pays se lit à travers :
l’instauration du pluralisme,
la mise en place et le fonctionnement des institutions de la République,
la promotion de la démocratie locale à travers la décentralisation
l’existence d’une opposition peu organisée et soumise à une forte pression du parti au pouvoir qui en a fragilisé certains
le dépérissement du dispositif politique marqué par la déstabilisation du parti au pouvoir et un désaveux de la population face à la chose politique,
l’incapacité des hommes politiques d’apporter des réponses appropriées aux préoccupations des populations,
l’immobilisme des partis entre les périodes de campagnes électorales.
En somme, au terme de dix années d’exercice démocratique, la situation politique du Mali se présente sous le signe d’une redéfinition des repères. Le parti majoritaire qui a assuré la gestion politique du pays pendant les dix ans connaît de profondes dissensions internes dues à l’usure du pouvoir.
Organisées dans un tel contexte, les élections présidentielles de 2002 ont fait émergé un homme qui ne se réclame d’aucun parti. Les élections législatives qui ont suivi ont conforté cette tendance qui fait aujourd’hui qu’aucun parti ou regroupement de parti ne dispose de la majorité absolue à L’assemblée nationale. Ainsi, avec un Président sans parti et une Assemblée nationale sans majorité absolue, le Mali vit une situation inédite en matière de gestion démocratique.
En la faveur d’un tel contexte assez particulier, la notion de démocratie consensuelle a vu le jour au sein de la classe politique. Tous les partis s’accordent sur le projet de société qui a permis d’élire le Président de la République. L’opposition est jetée à la " mare aux oubliettes ".
La configuration politique proposée au peuple malien par les partis politiques manque de lisibilité et de visibilité. Une démocratie sans opposition déroge aux principes qui fondent ce système de gouvernance. Une démocratie, c’est une majorité et une opposition, chacune des composantes ayant des fonctions importantes à assumer en son sein.
Cette situation entretenue par les hommes politiques peut s’expliquer par l’option faite par certains barons de rester à la trousse du pouvoir pour masquer les manquements dont ils se sont rendus coupables dans l’exercice de leurs fonctions quand ils étaient aux affaires. Autrement, il est difficile de trouver une explication pertinente à cette peur bleue qu’ils éprouvent de l’opposition.
Le Mali est un pays de consensus et de dialogue. Malgré les difficultés qui assaillent le pays dans différents domaines, il est important que les acteurs politiques se retrouvent et se parlent. De là à renier l’opposition, il y a un pas à ne pas franchir. Certes, pendant les dix dernières années, la pratique politique a conduit à un émiettement des partis politiques, à la perte de vision au sein des partis, mais la volonté de rassembler ne doit pas amener les acteurs politiques à sombrer dans l’unanimisme qui tue l’initiative.
Dans une démocratie, l’opposition est une composante majeure. L’Assemblée nationale du Mali a d’ailleurs par un texte de loi doté cette opposition d’un statut propre. L’opposition assume une fonction de veille, de contrôle, de proposition d’alternative.
Majorité et opposition sont les deux mamelles nourricières de la démocratie, en supprimer une est remise en cause grave de tout le système.
Il est évident aujourd’hui qu’il est nécessaire de mettre en place un programme de renforcement des capacités des acteurs politiques maliens .