Le cas de la garde d’un enfant arrivé à majorité
Par DIAW, Amadou (Nioro du Rip, décembre 2008)
A la suite d’un divorce, un parent est venu à Kayemor récupérer son fils des mains de sa mère.
Voici les péripéties de l’évènement.
Un jour, vers 17 heures, arrive à bord d’un véhicule 4 X 4 un individu. Ce dernier vêtu d’un cafetan est accompagné de deux gendarmes, assis à ses côtés. Après avoir traversé le village par la route qui sépare le quartier dénommé « Mbed Mougoudari », il dépasse la devanture d’une grande concession nommée Tengué, puis il s’arrête. Aussitôt, le conducteur et les deux gendarmes descendent du véhicule. Vérification faite, il s’agit, du père d’un gosse jusque-là gardé par sa mère ayant divorcé d’avec le monsieur. Le père du gosse, après les salutations d’usage, demande sans ménagement à son fils qui venait de l’accueillir de monter à bord en direction de Mboro, dans la région de Thiès où il réside. Ce gosse, devenu majeur, refuse tout bonnement d’accéder à sa requête ; sa mère étant en Gambie où elle a rejoint son mari en secondes noces. Les oncles du gosse se sont associés à la décision du gamin. C’est ainsi qu’ils ont demandé au père visiteur de différer cette initiative, le temps d’aviser et d’échanger avec sa mère absente des lieux. En effet, depuis 5 ans le gosse est nourri, habillé, entretenu par ses oncles et à l’insu de son père. Il s’en est suivi deux heures d’horloge au cours desquelles des échanges et paroles peu amènes, voire des invectives entre les villageois et le père du gosse. Les deux gendarmes, après avoir joué le rôle de conciliateurs, sont finalement parvenus à persuader le père d’accepter la volonté des populations. Une demi - heure après, les gendarmes s’appuyant sur les témoignages verbaux des populations du village, notamment celles du quartier ont compris qu’une opération aussi expéditive que celle préconisée par le père de l’enfant n’était pas opportune. Finalement, ils sont rentrés bien que le père ait pris toutes les dispositions en accord avec la justice moderne (Code de la famille).
Et, avec toute la politesse requise, le père a promis de revenir de commun accord avec les chefs coutumiers et la mère pour trouver des arrangements et une issue heureuse à l’affaire. La suite des évènements est facile à deviner.
Cette anecdote rappelle que la famille africaine, notamment rurale est large et non nucléaire. Mieux, elle peut s’étendre même à l’échelle villageoise. L’enfant, bien que détaché de son père biologique, bénéficie d’une éducation décente assurée par ses oncles, dans un contexte de matriarcat malgré la prééminence de l’islam. Qu’il eût été normal pour le père ragaillardi par la présence des gendarmes d’user d’un certain droit paternel. Mais, c’était sans compter avec les us et coutumes restés tenaces malgré les vicissitudes du modernisme. Et comme nul ne peut s’opposer à la volonté populaire (le village), la seule alternative était la négociation pouvant aboutir à un consensus dans l’intérêt supérieur de l’enfant, au demeurant issu des deux parents.