Par SOME, Augustin, FEUGAS, Françoise
Depuis 1987, année de l’assassinat du Président Thomas Sankara, le Burkina est traversé par une violence répétée. Le premier fauteur de violence est l’Etat burkinabè qui, pour résoudre des différends politiques, use et abuse de l’assassinat. Après Thomas Sankara, d’autres adversaires du chef de l’Etat ou de ses proches seront assassinés. Ces assassinats politiques sont connus des Burkinabé sous l’appellation d’ ’accidents’, les plus célèbres d’entre eux étant sans doute celui du journaliste Norbert Zongo et de ses trois compagnons le 13 décembre 1998.; De telles pratiques ont fini par entraîner une forte mobilisation : étudiante dans un premier temps, avec la marche de protestation contre la mort de N.Zongo, puis populaire qui, régulièrement, organise des manifestations de rue pour que la justice s’exerce et que les assassins ou leurs commanditaires soient débusqués et jugés. Le peuple burkinabè ne peut accepter que l’impunité soit érigée en règle de conduite. Depuis plus de trois ans, le pays connaît des manifestations de rue en réponse à la violence étatique.; Dans la stratégie de résorption de la crise que traverse le pays, les dirigeants de l’Etat burkinabé ont décidé de créer un collège de sages qui s’est chargé de faire une étude étiologique de cette crise. Du rapport de ce collège de sages, il est ressorti qu’il y a eu de sérieuses violations des droits de l’homme et aussi des insuffisances dans la gestion des bien publics. Le Collège a alors fait des recommandations au nombre desquelles, la recherche de la vérité, de la justice et de la réconciliation nationale.; L’Etat burkinabé a mis sur pied une Commission chargée de la mise en oeuvre des recommandations du Collège des sages. Cette Commission a fixé la date d’une journée nationale de pardon au 30 mars 2001.; La Commission a voulu, dans un premier temps, calmer le jeu et établir un consensus autour de cette question et c’est ainsi qu’elle a tenté d’unir les autorités coutumières, religieuses et politiques et les familles des victimes en organisant une "journée nationale du pardon", le 30 mars 2001. Au soir de cette journée, devant une foule venue des 49 provinces du Burkina Faso, l’actuel chef d’Etat Blaise Compaoré a demandé pardon au peuple burkinabè en ces termes : "Peuple du Burkina Faso, en cet instant solennel, en notre qualité de Président du Faso assurant la continuité de l’Etat, nous demandons pardon et exprimons nos profonds regrets pour les tortures, les crimes, les injustices, les brimades et tous autres torts commis sur des Burkinabè par d’autres Burkinabè, agissant au nom et sous le couvert de l’Etat, de 1960 à nos jours".; La procédure suivie par la Commission d’organisation a été contestée par certains citoyens, la plupart des familles de victimes ainsi que le mouvement Burkinabe des Droits de l’Homme. Dans leur entendement, il faut la vérité d’abord (qui a tué qui et pourquoi ? ), la justice et le pardon devant découler des deux premiers actes. D’ailleurs le Mouvement Burkinabè des Droits de l’Homme et les familles de certaines victimes ne s’associeront pas à cette Journée du Pardon. Ils organiseront le même jour, des cérémonies de recueillement et de prière sur les tombes des personnes assassinées.
Le chef de l’Etat burkinabè a pris sept engagements au cours de cette journée :
1. La mise en oeuvre de mesures de réparation dont la création d’un fonds d’indemnisation en faveur de toutes les familles des victimes de la violence en politique
2. l’érection de monuments témoins du devoir de mémoire à l’égard des martyrs et des héros nationaux
3. le traitement diligent de l’ensemble des dossiers de crimes économiques et de sang
4. l’institutionnalisation du 30 mars chaque année comme journée du souvenir, de promotion des droits humains et de la démocratie
5. la mise en place d’un comité d’éthique composé de personnalités dont la probité, l’expérience et la compétence font autorité, dans le but d’aider à la moralisation de la vie publique et sociale
6. la consolidation du dialogue avec tous les acteurs politiques et sociaux aux fins de résorber le déficit de dialogue et de communication
7. la mise en place d’un mécanisme de suivi des présents engagements, composé de représentants des autorités morales et spirituelles, des organismes de défense des droits humains et de la démocratie.
Il convient donc, dès maintenant, d’en suivre la mise en oeuvre. Mais on peut douter qu’un consensus s’établisse tant que pour la société civile burkinabè, "vérité et justice" demeurent des préalables à toute réconciliation. Car, apparemment, le peuple burkinabè a bonne mémoire et ne veut pas faire table rase du passé.
A.Binzaola Hien Alain est membre du collège "jeunes" du réseau Dialogues sur la gouvernance en Afrique : décentralisation et intégration régionale".