Un émiettement territorial politique

Quand la commune de Sébikotane naquit d'un croisement entre un enjeu politique local et des complicités à la tête de l'Etat.

"Vous savez, Sébikotane a eu un parcours assez impressionnant. De simple localité, elle est passée communauté rurale avant d'être aujourd'hui une commune.

Nous faisions partie dans le temps de la grande commune de Rufisque d'un point de vue administratif. En fait, il n'y avait pas un réel sentiment d'appartenance parce que le chef lieu de commune était trop éloigné et les décisions se prenaient à un niveau qui n'entraînait pas notre adhésion. Il y avait aussi un certain déséquilibre entre le niveau de vie des populations urbaines de Rufisque et celui des populations rurales de Sébikotane. Il faut reconnaître que l'existence au sein d'une même commune d'un milieu urbain et d'un milieu rural ne facilite pas les choses. Au plan politique, le député maire était à Rufisque et je n'ai jamais pu l'accepter parce qu'il ne gérait pas nos problèmes. Alors j'ai toujours pensé qu'il fallait que nous soyons plus responsabilisés pour prendre en charge nos problèmes nous-mêmes et ici sur place. Surtout pas dans un souci de "séparatisme" mais pour que les populations locales s'approprient les choses.

C'est dans ce contexte que Sébikotane a eu le statut de collectivité locale en devenant communauté rurale en 1984. Ce premier passage de Sébikotane en communauté rurale aurait pu être bénéfique mais malheureusement le découpage de la collectivité locale a été mal étudié et d'autres frustrations sont nées.

Par exemple, on a mis Yène et Sébikotane ensemble alors que d'un point de vue culturel, social et économique, les deux localités présentent des différences notoires. La zone de Yène, c'est des pêcheurs plutôt tournés vers la Gambie, la Guinée Bissau. Donc c'est des gens qui ne pêchent pas sur place, c'est des migrants. Ici par contre, les gens sont sédentaires et vivent de l'agriculture et de l'élevage. Yène est un peu enclavé par rapport à Sébikotane et sont distantes d'au moins 15 km. Les populations de Yène sont plus tournées vers Diamniadio et Bargny. Sébikotane n'est pas leur "région naturelle". Je me suis souvent rendu à Yène et j'ai toujours constaté qu'ils n'étaient pas à l'aise dans cette communauté rurale.

C'est vrai que ces deux entités n'avaient pas les mêmes réalités et en 1996, Sébikotane est devenue une commune. Mais, il faut l'avouer, c'est surtout des motivations politiques qui nous ont poussés à nous séparer de Yène. Il y avait un problème de leadership, une guerre de courants, de tendances au sein de notre parti qui frustrait beaucoup les gens de Sébikotane. A Sébikotane, nous n'avions pas le même candidat que le ministre, responsable politique qui habitait Yène. Nous avions alors pensé créer une entité distincte sur laquelle le ministre, responsable politique n'aurait aucun pouvoir, aucune influence. Et la seule voie était de profiter de la réforme de décentralisation pour devenir commune. Bien entendu, ce passage de communauté rurale à commune nous pose beaucoup de difficultés notamment financières. Par exemple contrairement à la communauté rurale, la commune paie l'éclairage public qui nous revient à 2.500.000 F par mois ; elle paie aussi le loyer de l'hôtel de ville pou

r 180.000 F par mois et nous avons des arriérés de 3.000.000 de francs. En 5 ans, nous n'avons même pas réalisé le tiers de notre programme alors que le bilan de la communauté rurale était globalement positif. Vous voyez donc que l'on perd beaucoup d'avantages en devenant commune. La seule compensation est morale. Les populations se sentent libérées et sentent qu'elles ont quelque chose qui leur appartient.

C'était un enjeu politique terrible et il y a eu des complicités à la tête de l'Etat qui ont fait que la commune a été créée dans un espace assez restreint."

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