Le règlement religieux des litiges sociaux à Gao : de l’efficacité à la contradiction juridique.

La ville de Gao se situe dans la région du nord pays et constitue par ailleurs la sixième région administrative du Mali. On dénombre dans la commune de Gao une population de 52 201 habitants. La ville de Gao à l’instar des autres localités de la région est fortement dominée par les groupes ethniques sonrhaïs, touaregs, peulhs, etc.

Dans la ville de Gao, on rencontre une grande dynamique dans la gestion des conflits sociaux du fait de l’implication des cadis (juges musulmans) dans le règlement pacifique de ces litiges. Le cadi est un juge musulman, il règle les litiges opposant les musulmans, les problèmes matrimoniaux, de succession, d’héritage, etc., sur la base des lois islamiques. Il exerce une grande influence sur les fidèles musulmans. Pour ces derniers c’est une autorité légitime dont les décisions sont reconnues et acceptées. C’est aussi un chef religieux qui dirige la prière dans les mosquées. Il peut cumuler ses fonctions de juge avec celle de marabout. En fait c’est le plus souvent, un marabout spécialisé dans le règlement des litiges.

Cette responsabilité des religieux leur a permis de s’organiser au sein d’une association dénommée l’association des musulmans pour le progrès de l’islam (AMPI). Les marabouts et les cadis de Gao ont mis en place un tribunal qui fonctionne comme un tribunal moderne. Ce tribunal à pour vocation de s’investir dans le règlement des litiges et de trouver des solutions en amont aux problèmes qui se posent dans la société. D’ailleurs cette association des religieux dispose de cadres spécialisés en matière matrimoniale, successorale, etc.

A Gao, il y a une grande collaboration entre l’administration judiciaire locale et les religieux. Plusieurs interventions des cadis sont reconnues et homologuées par la justice, il faut aussi affirmer que l’administration judiciaire locale fait de plus en plus recours aux cadis pour gérer certains litiges dont l’implication des juges ne permet que d’avoir des jugements contraignants et ou coercitifs.

C’est le cas d’une demande de divorce qui s’est posé en 2001 dans la ville de Gao. Il s’agit d’un vieux couple qui avait plus de trente cinq ans (35) de mariage. Dans les faits l’homme reprochait à la femme de ne pas s’occuper suffisamment des devoirs conjugaux et d’être trop souvent dehors. Il estimait que son épouse ne remplissait pas son rôle de femme de ménage et par conséquent souhaitait que la justice prononce le divorce. De l’autre coté la femme qui avait pour activité les préparatifs des plats lors des festivités de mariage ou de baptême, estimait que c’était là sa seule source de revenue et qu’elle n’abandonnerait pas cette activité.

Vue que les plaignants étaient des personnes très âgés et que le divorce à ce niveau n’aurait aucun avantage, le juge a adressé une correspondance officielle aux cadis en leurs demandant d’intervenir dans le cadre d’une médiation afin d’obtenir une solution consensuelle. L’intervention des cadis a permis donc de rappeler au couple les obligations de chacun dans le foyer. Cette médiation a été acceptée par le couple et le mari à retirer sa requête car il y a eut réconciliation.

Plusieurs litiges de cette nature ne peuvent être résolu sans une implication des cadis, ce qui a donné lieu à une collaboration de plus en plus accrue entre la justice locale et les cadis. Pour souhaiter leur intervention le juge leur adresse une correspondance. Après chaque intervention des cadis ils adressent un procès verbal au juge pour homologation.

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Cette forme de collaboration entre la justice moderne et locale est à encourager car elle garantie la délivrance d’une justice qui n’est pas contraignante pour les populations. Dans plusieurs localités au Mali, il s’établit de plus en plus une collaboration officielle entre les deux acteurs de la justice moderne et traditionnelle. Cependant ce qui pose problème c’est la légalité juridique de l’institution religieuse au niveau national. Car force est de constater que l’existence du tribunal islamique et son fonctionnement sur la base du droit musulman est en contradiction avec le principe de fonctionnement de la justice officielle du pays.

Notes

Cette fiche est issue de l’entretien réalisé avec Monsieur Toubaye KONE, Président du Tribunal de (commune IV) et membre Elu du conseil supérieure de la Magistrature

Lafiabougou, Bamako.

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