Par Bintoumady Kaba (Kankan, Guinée, Mai 2009)
La mise en place du Réseau National des Communicateurs traditionnels (RENACOT) sur l’initiative du Réseau des femmes de la Mano River pour la Paix (REFMAP) en 2004 devient de nos jours une référence et un instrument incontournable dans le maintien de la paix dans les collectivités, à cause notamment de leur maîtrise de l’histoire des relations humaines et celle de la fondation des communautés.
Ces communicateurs traditionnels sont les plus utilisés par le REFMAP à travers les antennes préfectorales dans les actions de prévention, de gestion et de résolution traditionnelle des conflits. Parmi eux, on trouve toutes les sensibilités sociales et leaders d’opinion. Entre autres, on peut citer :
• Les Griots et Finas qui sont les détenteurs de l’histoire, des relations et qui sont les plus aptes à affronter toute personne (même les Rois ou autre catégorie de Chef) en mettant en valeur le cousinage à plaisanterie.
• Les Guérisseurs et Féticheurs qui détiennent un pouvoir mystique pouvant leur permettre de se faire écouter d’une manière ou d’une autre.
• Les Cordonniers qui constituent une classe importante dans la société.
• Les Forgerons qui sont les fabricants des armes et des instruments de culture
• Les Chefs religieux qui sont sensés être neutres et impartiaux parce qu’ils interprètent les paroles de Dieu et des prophètes. Donc, ces personnes ne doivent ni mentir, ni trahir, ni tromper quelqu’un.
• Les Chasseurs et Pêcheurs qui sont les maîtres de la brousse et des cours d’eau.
Méthodologie d’intervention de l’antenne
Quand l’antenne est informée de la présence d’un conflit, elle collecte des informations pour se rassurer de l’évidence du conflit. Ensuite, elle procède à l’analyse du conflit qui consiste à :
Définir la nature du conflit ;
Identifier les acteurs du conflit ;
Chercher à connaître l’origine et les causes du conflit ;
Identifier les acteurs pouvant avoir une incidence positive et négative sur le conflit ;
Chercher à connaître l’élément déclencheur du conflit et le pourquoi ;
Chercher à connaître les perceptions des protagonistes/autres acteurs.
Après la collecte et le traitement des informations, une restitution est faite à l’ensemble des membres de l’antenne qui examinent le dossier et prennent une décision. La prise de décision est à deux niveaux :
• Les ouvrières de la paix (femmes de l’antenne) définissent leur propres stratégie pour la gestion et la résolution du conflit ou
• Le communicateur traditionnel le mieux indiqué en fonction de la nature et des acteurs du conflit en est saisi. Dans ce cas, l’antenne et le communicateur traditionnel procèdent aux prises de contact de manière séparée avec les parties en conflit, les écoutent, les sensibilisent en vue de les amener à s’accepter et à accepter de se rencontrer dans un lieu neutre à une date précise. En cas d’acceptation par les protagonistes (donc espoir de réussite), l’information est élargie à d’autres communicateurs et autres partenaires qui, selon les cas, s’assistent pour le règlement pacifique du conflit.
Si, à plusieurs reprises, les parties en conflit n’acceptent pas de se rencontrer, les ressortissants et/ou les autorités de la localité sont saisis pour faciliter la rencontre. Dans 80% de cas, un succès est enregistré. L’information est alors remontée à la coordination et à tout autre ayant droit.
Dès son installation en juillet 2005, l’antenne de Kankan a pris contact avec les autorités, les organisations de la société civile, les conseils de sages, les confessions religieuses et le RENACOT avec lesquels elle entretient de bonne collaboration dans le cadre de la prévention, la gestion et la résolution des conflits. Cela donne l’avantage d’être vite et mieux informé sur les conflits (même naissants) et aussi une implication facile de ces structures en cas de nécessité.