Lomé, juillet 2009
Evolution des pouvoirs du chef traditionnel
D’après notre constitution aujourd’hui, le chef est garant des us et coutumes. Mais avant la colonisation, le chef était à la fois le Président, le commandant de brigade, le commissaire de police, le juge, le préfet, etc. Entouré de sa cour, il représentait tout. Il avait la responsabilité de tous les domaines de la vie tels que le commerce, l’agriculture, la santé, l’éducation, la sécurité, la justice, etc.
Avec la colonisation, les gouverneurs ont développé une ingérence qui leur permettait d’influencer la désignation du chef même dans les milieux où celui-ci était désigné sur des bases coutumières et non électorales.
Après les indépendances, les nouvelles autorités ont perpétué ce système. Au fur et à mesure, la chefferie a perdu de sa valeur. Le chef n’est plus respecté par les populations comme avant. Mais ceci ne veut pas dire que la chefferie est inutile. Affaiblie oui. Mais la chefferie ne disparaîtra pas. Elle reste importante à plusieurs égards. Aujourd’hui, elle est affaiblie par la présence d’autorités étatiques à côté et sur le même territoire. C’est ainsi qu’on a le préfet, le juge, le maire, le commandant de brigade et le commissaire de police.
Proposition : Il faut restaurer la chefferie traditionnelle dans notre pays par des textes clairs sur ses compétences par rapport aux autres institutions étatiques avec lesquelles le chef partage son pouvoir aujourd’hui.
Cohabitation du chef traditionnel avec les autres légitimités
Le chef est plus proche des populations que toute autre autorité. En plus de ça, vous savez que le préfet, le commandant de brigade, le commissaire de police ou le juge ne sont pas toujours natifs du milieu. Le chef maîtrise mieux les questions qui se posent dans le canton. Aussi, en plus de la légalité (reconnaissance par décret du chef désigné coutumièrement) il a la légitimité car il est le produit du milieu.
Les différentes institutions ont besoin de l’encrage, du savoir et de l’expérience du chef pour bien travailler. Donc l’information doit circuler. Le maire ne doit pas prendre des décisions hâtives sans consulter le chef. Ceci est valable pour le préfet.
Il y a longtemps que je travaille avec le maire de la ville de Tchamba. Entre nous, il ya un respect mutuel et une collaboration franche. Nous travaillons en parfaite harmonie. Quand le maire a une proposition à discuter au conseil communal, il vient me voir d’abord pour recueillir mon avis. Que la proposition émane de lui-même ou d’un conseiller communal, le maire vient me voir. Tenant compte de mon avis et sans le faire savoir au conseil, il arrive à prendre des décisions à travers lesquelles je me retrouve parfaitement. Le maire de la ville me consulte toujours avant toute décision.
Sur les questions courantes, on se voit une fois chaque quinzaine. Mais en dehors de ça, il m’arrive de rendre visite au maire chez lui à la maison ou dans son bureau. Lui aussi, de temps en temps, il passe me voir au palais. Nous avons des échanges permanents sur les questions de la ville. Il n’ y a pas de rétention d’information entre nous et ça marche. Il ne peut en être autrement quand le maire sait que pour atteindre les chefs quartiers et avoir la collaboration des populations, il doit passer par moi. Et moi je sais qu’il travaille dans l’intérêt des populations et non dans son intérêt personnel.
Proposition : En fonction de mon expérience personnelle, je pense qu’il faut développer une collaboration franche et un respect mutuel entre les différentes légitimités. Trouver cadre et un mécanisme d’échange permanent entre les différentes légitimités. Mais avant tout, le chef doit accepter le maire comme une autorité complémentaire et non rivale. Le maire de son côté doit toujours se référer au chef avant toute décision. Le chef est un conseiller très important pour le maire.
Pluralisme juridique
Ce qui caractérise la justice aujourd’hui, c’est que le citoyen dans un canton a le choix entre la cour du chef et le tribunal. C’est vrai que pour certaines questions comme la sorcellerie ou les petites disputes à l’intérieur des ménages, les populations s’adressent au chef ; mais pour des questions de vol, de créances, elles vont au tribunal. Parfois même pour des différends fonciers, les citoyens vont voir le juge.
Le chef qui était le dernier recours du citoyen en est réduit à ne faire que la conciliation en cas de litige. Il ne peut plus juger comme avant. N’ayant pas à sa disposition la force publique, il n’a pas les moyens de faire exécuter ses décisions. Il juge mais ne condamne pas. Cependant, il y a plus la vérité chez le chef qu’au tribunal où règne la corruption. Malgré tout ce qu’on peut dire sur la chefferie, les populations croient encore en elle et c’est le plus important.
Les questions qui posent toujours problème entre les chefs et les tribunaux sont les litiges fonciers. La façon de traiter ces questions n’est pas la même selon qu’on est devant le chef ou devant le juge.
Propositions : Laisser le règlement des différends fonciers au chef traditionnel. Il pourra être appuyé par le juge au besoin.