le cas du poste de santé de Médina Sabakh
By TOURE, Aliou (Médina Sabakh, May 2009)
Nous sommes dans le département de Nioro et plus précisément à Médina Sabakh, un village situé à 2 Km de la Gambie. Etant localisé dans une zone frontalière jouxtant la république de Gambie, le poste de santé de Médina Sabakh a toujours été un centre rayonnant. Cette position géographique a permis à la structure sanitaire de jouir d’une certaine audience et d’une forte fréquentation depuis sa création en 1954. En effet, le centre qui était d’ailleurs très prisé par les infirmiers du Sénégal couvrait au - delà des deux systèmes sociopolitiques différents des deux pays une très grande partie de la zone gambienne. Et pour cause, dans un passé récent, la ville de Farafenni, porte d’entrée de Gambie en provenance du Sénégal, quoique bénéficiant d’une importance stratégique, ne disposait pas alors de centres hospitaliers dignes de ce nom. Pour se faire soigner, les habitants de cette localité quittaient leur zone pour venir à Médina Sabakh, l’agglomération abritant l’unique poste de santé de toutes ces contrées. Or, la population de Farafenni faisait presque le double de celle de Médina Sabakh. Ce qui permettait à cette structure sanitaire d’engranger des recettes conséquentes, sans compter les retombées économiques dans le domaine des loyers pour la localité. Il s’y ajoute que cette ville gambienne de Farafenni, dont la quasi-totalité de la population est composée d’étrangers ou de touristes passagers, s’investissait beaucoup dans la santé humaine. Ainsi, au moins plus de la moitié des effectifs des patients recensés sur place provenaient de la Gambie. Autant de raisons pour dire que la zone de Farafenni était un facteur déterminant dans la bonne marche du poste de santé de Médina Sabakh.
Mais, au fil du temps, vers les années 1990, est intervenu un changement. Il a été noté de nos jours de nouvelles données. Petit à petit, de très grands hôpitaux ont été construits à Farafenni avec un personnel d’origine étrangère et qualifié. De surcroît, ces structures sanitaires disposent du matériel et de plusieurs types de moyens très sophistiqués qu’on ne saurait trouver au poste de Médina Sabakh. Conséquence immédiate : la chute vertigineuse du taux de fréquentation des malades au niveau de Médina Sabakh. Et aujourd’hui, non seulement les habitants de cette zone gambienne ne viennent plus se faire consulter à Médina Sabakh mais on constate que même les résidents de la CR de Médina Sabakh et de ses environs délaissent leur poste de santé au profit des hôpitaux situés à Farafenni.
Un autre volet de la question, les coûts des soins exigibles aux malades. Il s’est révélé que la politique de prise en charge des malades, du côté gambien, est nettement en faveur des populations qui ne demandaient que cela. Et puisque nous sommes dans une zone où les populations sont démunies, le choix en direction du centre où l’on dépense moins d’argent est vite fait.
Par exemple, pour ce qui est des consultations prénatales et postnatales, on s’est rendu compte que le taux a considérablement chuté en Gambie. Cette baisse se sent à plusieurs étapes du processus. En effet au niveau de ces consultations, il suffit que le patient paie un ticket à 2000 F pour que le nouveau –né et la maman soient intégralement pris en charge par le centre et pour tous les soins à venir. En plus, les ordonnances prescrites au niveau des centres hospitaliers gambiens sont moins coûteuses que celles délivrées au poste de santé de Médina Sabakh, car la majeure partie de leurs médicaments sont subventionnés. Alors qu’au Sénégal très peu de médicaments sont de l’initiative de Bamako (à faible coût).
Pour autant, quelques gambiens, du fait de leurs relations culturelles avec les populations d’à côté continuent à fréquenter le poste de Médina Sabakh pour des soins et des consultations.
Il est évident qu’en temps de paix, cette situation de cohabitation en zone frontalière est bénéfique aux ressortissants des deux pays pour accéder aux soins de santé de base. Car, quelle que soit la tendance perceptible çà et là, les populations sauront choisir le camp le plus profitable, d’autant qu’il s’agit de deux peuples unis par les mêmes conditions climatiques, les mêmes religions, les mêmes langues, traditions et cultures
Mais, du fait du flux et du brassage permanent des populations de ci de là, la situation peut être compliquée en cas d’épidémie ou de pandémie. Et dans cette éventualité, aucune structure d’un des pays ne pourra à elle seule circonscrire le danger. D’où, nécessité d’asseoir une politique intégrée de santé mutuellement avantageuse aux deux pays. L’histoire précoloniale, la géographie née des conséquences coloniales, les exigences d’un développement intégré le recommandent. En tout état de cause, aucune autorité politique ne peut rester indifférente à ce qui se passe au- delà de la « frontière ». Et la santé est la chose la mieux partagée pour ces deux pays.