Pot-pourri sur les impôts locaux

Détournement, corruption, impunité, contexte économique défavorable : les arguments ne manquent pas pour se soustraire au paiement des impôts locaux

Nous sommes dans un groupe de discussions à l'occasion d'un séminaire de formation des élus locaux. Les conseillers ruraux échangent sur les finances locales et les impôts locaux en particulier.

Un chef de village témoigne : "ma Communauté rurale est située dans l'arrondissement de Médina Yoro Foulah dans la Région de Kolda, au sud du Sénégal. En 1998, la collecte de la taxe rurale de la communauté rurale avait permis de réunir 2 millions de Francs CFA. Cette somme devait être déposée au trésor public de Kolda. A la grande surprise de tous, le président de la communauté rurale a simplement déclaré avoir perdu les 2 Millions à Dakar où il s'était rendu. Le président n'a a ce jour pas été inquiété pour cela. En effet, notre statut de sujets ne nous donne pas le pouvoir, la crédibilité et le poids d'intenter un procès ou de lui demander des comptes. Pourtant, en tant que chef de village, je m'en voulais de n'avoir pas été regardant. L'année suivante, après avoir collecté la taxe rurale de mon village, j'ai exigé du président qu'il me délivre un reçu contre le versement de l'argent. Je me suis rendu par la suite au trésor public de Kolda pour vérifier que le présid

ent avait bien reversé les impôts. Les fonctionnaires du trésor me firent comprendre que le nom de mon village leur était inconnu et que jamais la communauté rurale n'avait versé de taxes correspondant à des impôts payés par ce village. De retour auprès du président, il m'affirma simplement qu'il avait payé. Il était incapable de me fournir la moindre preuve du paiement. Pour ne plus être victime de ces légèretés, j'ai décidé de ne plus faire passer la taxe rurale de mon village par la communauté rurale. Je vais directement payer au trésor de Kolda, on me remet un reçu et je m'en vais tranquillement."

Un autre chef de village renchérit : "moi, j'ai dû entrer en conflit avec un conseiller rural qui, de la même manière, a détourné les impôts collectés. J'avais recouvré la taxe rurale de mon village et l'avais remise à un conseiller rural du village. Celui-ci n'a pas versé l'argent au trésor public de Kolda comme il se devait. Je l'ai su lorsque je lui ai réclamé le reçu qui devait prouver qu'il avait bel et bien reversé la taxe dans les caisses du trésor public. Le conseiller avait différé la production de la pièce justificative du versement plusieurs fois de suite. Les populations ont fini par savoir que leur argent n'avait pas été versé au trésor public. Il est vrai que les populations ne mettaient pas en cause ma responsabilité personnelle mais j'étais très gêné, surtout qu'il fallait divulguer le nom du conseiller qui avait détourné l'argent. Alors depuis lors, les chefs de carré, qui sont mes relais auprès des populations, refusent de réclamer une taxe rurale qui sert

à des fins personnelles. Par la même occasion, je n'ose plus insister."

"Moi dans ma communauté rurale - ajoute un chef de village - ce n'est pas un problème de détournement de fonds publics qui se pose. C'est le manque de retombées des impôts en termes d'infrastructures et de développement. Dans mon village, nous avions réussi à sensibiliser les populations sur la nécessité de payer la taxe rurale pour que le conseil rural puisse avoir les moyens de sa politique. Nous avions été entendus et les contribuables avaient pris l'habitude de payer régulièrement les impôts. Seulement, en retour, ces contribuables ne percevaient aucun impact positif de cette mobilisation des ressources sur leurs conditions de vie : les postes de santé ne sont pas fonctionnels ; il n'y a pas suffisamment d'écoles, ni de puits par exemple. Aujourd'hui, les discours ne font plus recettes et les populations posent une condition à tous paiements de taxes : que leurs impôts aient des répercutions perceptibles et bénéfiques sur leur existence et qu'ils permettent la satisfaction de l'inté

rêt général."

Un chef de village de la communauté rurale de Dioulacolon avance le manque de ressources des villageois. "Dans mon village, les populations tirent essentiellement leurs revenus de l'agriculture. Dans ce cadre, elles traitent avec la Société de Développement des Fibres Textiles (Sodefitex). La Sodefitex est une société qui avance aux paysans des semences de coton et de l'engrais. Après la récolte chaque paysan pèse sa production. La Sodefitex l'évalue financièrement et se rembourse les avances consenties pour les semences et l'engrais. Ces rapports économiques avec la Sodefitex connaissent un déséquilibre exacerbé par les mauvais hivernages qui se succèdent. Ainsi, les paysans sont entrés dans un cycle de déficit, de paupérisation et d'endettement de plus en plus difficile à casser. Surtout que la Sodefitex n'a pas d'état d'âmes et l'Etat ne fait rien. Avec un poids de la dette toujours plus lourd, nous n'avons plus de ressources pour satisfaire nos besoins primaires, à plus forte raison

de payer des impôts dont on ne sait jamais à quoi ils sont utilisés."

Notes

Cette fiche provient de discussions de groupes entre élus locaux et notables à l'occasion d'un séminaire de formation des élus locaux à Salikégné - Kolda organisé par le projet d'alphabétisation des élus locaux et notables. Téléphone : 00 221 996 12 14

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